Deuil
Maternité,  Mum to be

Deuil anténatal : un deuil comme un autre.

Le deuil. C’est un sujet tabou dans notre société. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un deuil anténatal. Peu de personnes étaient au courant de ma grossesse, certains seront donc étonnés que ce sujet soit abordé ici.

Cet article est né de mon besoin d’en parler car dans cette situation, on peut rapidement se sentir seul/e. Et peut-être que toi qui lis actuellement ces mots a connu ou connaîtras cet événement dans sa vie.

 

Qu’est-ce que le deuil anténatal ?

Il s’agit du décès d’un bébé (ou fœtus ou embryon peu importe) au cours du premier trimestre de grossesse. Pourquoi est-ce un tabou ? Parce que beaucoup de personnes ne considère pas le bébé comme tel à ce stade de la gestation. Donc il leur paraît inutile d’en parler. Pour ma part, il s’agissait d’un enfant dès le moment où j’ai appris cette grossesse.

Une grossesse sur quatre n’arrive pas à son terme et s’arrête lors des trois premiers mois, donc mesdames vous n’êtes pas seules !

 

Comment je vis le deuil  ?

Le schéma d’Elisabeth Kübler-Ross comporte cinq phases dites étapes normales du deuil. Même si ce modèle datant des années 70 a évolué, c’est ainsi que je vais te raconter comment je vis cette situation terrible.

 

Etape 1 du deuil : le choc et le déni

12 SA – 12 semaines d’aménorrhée (sans règles) pour les non initiés.

De légers saignements me conduisent aux urgences gynécologiques un soir après le travail. J’avais lu que cela était fréquent mais je voulais m’en assurer. Deux échographies plus tard, le verdict tombe :

Je n’ai pas une bonne nouvelle. Votre grossesse s’est arrêtée.

Et là, trou noir. Je ne me souviens plus de rien. Seulement d’avoir hurlé, pleuré si fort. Je ne pouvais pas croire que ça m’arrivait à moi. Pourquoi moi d’ailleurs ?!

Nous nous attendions à entendre son cœur battre et enfin voir une silhouette ressemblant à un bébé. Pas à un utérus transformé en berceau de la mort.

J’ai finalement appris par la suite que mon bébé avait cessé de se développer trois semaines auparavant. Un vrai coup dur.

Etape 2 : la colère

Je me souviens avoir demandé pardon à mon mari. « Pardon de ne pas avoir réussi à protéger notre bébé, de n’avoir rien senti ». La culpabilité, voilà ce qui naissait en moi à cet instant. Je me sentais coupable et en colère. En colère après cette gynécologue qui m’avait annoncé cette horrible nouvelle et qui me demandait de prendre une décision concernant la programmation de l’opération. « Demain ? Après ce weekend ? » Attendre ? Mais pour quoi faire ?! J’ai programmé l’opération pour le lendemain pour que tout soit fini rapidement, comme si toute cette douleur disparaîtrait juste après.

J’étais en colère car il a fallu l’annoncer à nos proches qui étaient dans la confidence. L’un des moments les plus difficiles de ma vie. Les entendre pleurer au téléphone ou ne pas les entendre du tout tant la nouvelle était soudaine a été une épreuve supplémentaire. C’est d’ailleurs à ce moment que mon mari a craqué pour la première fois. Lui qui était resté si fort lors de l’annonce …

La fureur m’a envahie puisque la nuit qui a suivi a été cauchemardesque. J’entendais en boucle l’annonce de la gynéco, je pleurais sans cesse. J’entendais aussi mon mari pleurer, ce qui ne faisait que renforcer mon chagrin. J’ai dû « me reposer » une heure ou deux tout au plus.

Mais après la pluie vient le beau temps

Dans toute cette tempête, j’ai vu un arc-en-ciel : le corps médical de la clinique m’a beaucoup aidée. J’avais besoin d’être écoutée, de poser des questions, d’être rassurée. Mais surtout de ne pas être bousculée. On m’a laissée pleurer – beaucoup pleurer- avant l’anesthésie et dire au revoir à cet enfant que je ne connaîtrais jamais… L’opération a duré une quinzaine de minutes. 15 minutes et douze semaines de grossesse qui s’envolent.

L’infirmière qui m’a accompagnée avant l’opération a été d’une aide précieuse. Elle a posé des mots simples sur ma situation, m’a proposé une aide psychologique pour m’aider à avancer. Elle m’a dit aussi que je n’étais pas seule à vivre cette tragédie mais que une grossesse sur quatre se terminait ainsi. C’est bête mais à ce moment que j’ai commencé à réaliser que je n’étais pas seule dans ce cas. Cela n’a évidemment pas atténué ma douleur et ma peine.

 

Etape 3 : le marchandage

J’ai tenté de trouver des réponses auprès d’une entité extérieure – bien que je ne sois pas croyante. Puis je me suis mise aux phrases du type « et si ».

  • « Et si j’avais pris l’acide folique avant la conception ? »
  • « Et si je m’étais écoutée ? Si j’avais fait attention à mon alimentation ? »

Je me suis clairement remise en question sur ma capacité à devenir maman …

 

Etape 4 : dépression

Juste après l’opération, j’avais à la fois envie d’être seule mais aussi d’être entourée. J’avais parfois envie de parler. D’autres fois, je préférais pleurer en silence sous la douche, dans les toilettes, la nuit sans que personne ne le sache. Puis je suis tombée sur cet article qui a été pour moi comme une révélation : Il fallait que je me prenne en main pour moi avant tout, mais aussi pour mon couple. Car dans cette histoire, je ne suis pas seule.

Néanmoins, je me sens vide, incomplète. Mon ventre a dégonflé en deux jours après l’opération, ma poitrine aussi. Je n’étais plus écœurée par l’odeur du café et je n’avais plus mon super odorat. Mon ventre est mou et sans vie. Je peux avoir mille et une humeurs dans une même journée, ce qui est assez épuisant. En principe, je démarre la journée de bonne humeur et une pub ou une publication avec des enfants et je replonge.

J’ai lu  » Je n’ai pas dit au revoir à mon bébé« . Il m’a pas mal aidé à apprendre à déculpabiliser, d’arrêter de me dire que j’étais incapable de construire la vie en moi ou que j’avais mangé ou fait quelque chose qui n’allait pas et qui a provoqué le décès de notre enfant. Il m’a aidée à accepter que je n’étais pas responsable de tout ça et que j’avais besoin d’aide. J’ai eu recours à une aide psychologique. J’ai pu me décharger d’un trop plein de douleur en moi auprès d’un professionnel et démarrer mon deuil. Ça m’a légèrement soulagée.

 

Etape 5 : Acceptation

J’étais tellement heureuse à l’idée de devenir maman que j’ai du mal à me projeter maintenant. Ai-je envie de retomber enceinte et avoir cette peur que ça recommence encore ? A l’heure actuelle, la réponse est clairement non. Cette perte m’a énormément freinée et je ne me sens plus aussi prête qu’auparavant. Je me dis encore que je ne serai pas capable de mener une grossesse à terme, que je ne serai pas en mesure de protéger cet enfant qui grandira en moi.

Cette étape ? Je n’y suis pas encore, c’est encore bien trop frais dans mon esprit. Je ne sais pas quand cela arrivera car je me sens très fragile concernant ce sujet. J’ai conscience qu’on ne guérit pas d’un claquement de doigts de ce genre de douleur. Mais comme je le dis au début de l’article, en parler ouvertement m’aide à rendre les choses réelles, concrètes et finalement emprunter le chemin de l’acceptation.

Alors si avec cet article, j’ai pu aider une personne à se sentir moins seule, j’en serai heureuse. Mon mari va lui aussi faire part de sa vision de la situation sur son instagram que vous retrouverez ici.

 

Maevah